vendredi 18 juin 2010

Quand le mot « éthique » devient « mascarade »…


Aujourd’hui, c’est la dernière journée de l’année scolaire. Enfin presque. C’est la journée des conseils de classe. Aujourd’hui, j’ai appris une leçon (encore une autre dans ce bled) qui devrait me servir dans le futur.

J’avais pris soin de noter les élèves selon leurs aptitudes et les efforts qu’ils fournissaient en classe, et malgré leurs faiblesses et le très bas niveau auquel j’ai dû faire face, il fallait les encourager et leur donner un coup de pouce afin que l’anglais ne devienne pas leur bête noire. Mais mon boulot s’arrêtait là. Il était hors de question pour moi de gonfler les notes comme certains le faisaient. Pour moi, il s’agissait seulement et uniquement de l’intérêt des élèves. Et puis, la « haute sphère » administrative me convoqua et me demanda de « sauver » certains cas.

Au début, j’ai cru qu’il s’agissait de les aider à atteindre la moyenne. Je me suis dit pourquoi pas ? Mais quand on m’a demandé de changer la note de l’élève le plus fainéant que j’ai jamais vu de 3 à 16, alors là j’ai crié au scandale. Pourquoi donner un 16 à un élève qui n’en avait rien à cirer de l’école ? Un élève qui ne s’est jamais ramené avec un cahier ou un livre ? Qui passait son temps à huer ses camarades en classe et qui en plus finissait la grasse mat’ en cours ? Bref, un élève qui mérite rien à part un zéro pointé.

Quand j’ai prononcé le mot « éthique du professeur », on m’a rit au nez. Je ne comprends pas le motif de ce rire. Est-ce qu’on riait de ma franchise ou plutôt de ma naïveté de jeunesse ? Ce qui me mettait en rogne est que cet incident n’est pas le premier. On a déjà falsifié mes notes pour aider un élève de 8e qui connaissait à peine l’alphabet à ne pas être viré de l’enseignement public pour limite d’âge. J’avais pris l’administration en flagrant délit de falsification. Mais que faire quand je suis une simple stagiaire de première année dans ce bled ? (Je vais zapper le passage des menaces parce qu’apparemment parler autour de moi de mes problèmes professionnels est devenu un délit).

Je garde une très haute estime du métier d’enseignant, mais depuis que je le suis, je découvre les dessous du métier (des dessous pas si flamboyants que ça). Tout est question de statistiques. La meilleure institution est celle qui aurait atteint le meilleur taux de réussite. Il s’agit plus de quantité que de qualité. Pour moi, ça devient plus clair pourquoi ce gouvernorat a les taux les plus faibles de réussite au baccalauréat ou autre. Ne devrait-on pas se focaliser à améliorer la qualité de l’enseignement dans ces zones au lieu de stresser les directeurs pour obtenir des résultats ?

En plus, le ministère de l’enseignement vient d’introduire des laboratoires de langues dans les collèges. J’ai assisté à une de ces formations, et franchement je n’en vois pas l’utilité. Ces gosses n’arrivent pas à assimiler avec les méthodes traditionnelles, alors que dire si on les met face à un pc portatif, un logiciel que même les enseignants ont du mal à gérer et enfin des connaissances limitées, quasi inexistantes de l’informatique.

La ZEP* made in Tunisia est une réalité amère, et c’est certainement à ceux là qu’on devrait penser avant de vouloir innover et atteindre le niveau d’enseignement des pays développés.

*ZEP : Zone d’Education Prioritaire.