vendredi 13 novembre 2009

Le Coup de Fil du Destin

Finalement la sentence est tombée. Je pars à une centaine de kilomètres de chez moi pour enseigner. C’est loin d’être la ville côtière que j’ai choisi, mais c’est toujours mieux que rien. On va dire que je pars pour une mission humanitaire, pour aider ces enfants, leur donner de l’espoir, leur apprendre la vie. Enfin c’est tout le blabla que j’essaye de me raconter pour me remonter le moral.

Dès l'annonce de la nouvelle, j’ai reçu une bonne dizaine d’appels. Certains étaient taquins, d’autres étaient désolés pour moi (comme si c’était la fin du monde), d’autres encore me félicitaient pour cette affectation qui fera mon bonheur selon leurs dires, et finalement y’a eu lui. Notre histoire n’a été que des « je t’aime, moi non plus ». Un jour au beau fixe, et une dizaine d’autres au plus bas. Je me suis sentie toute retournée en le lui annonçant :

« Demain je pars à X. »

Je m’attendais à un « bon courage », un « bonne chance ». Mais pas besoin de vous dire qu’il était encore plus ému que moi.

« Tu pars ? Aussi loin ? Comment on va faire ? »

Et dire que maintenant on était supposés être tout proches l’un de l’autre. On s’était assagis tous les deux. Une nouvelle étape se dessinait devant nous. Les weekends seraient-ils suffisants pour raviver des sentiments qu’aucun de nous n’ose avouer ? Apparemment, ce sera le retour à la case départ. Pourtant, après deux ans de «relation» tumultueuse, j’étais prête à franchir ce pas, prête à être avec lui, à m’ouvrir à lui ; mais maintenant…

Je ne sais pas ce que l’avenir me réserve. C’est une nouvelle vie qui commence pour moi. Est-ce qu’on se quitte pour mieux se retrouver encore une fois ? Ne serait-il pas trop tard la prochaine fois ? Je dois accepter ce sacrifice si je veux avancer, j’ai choisi d’avoir cette vie (à vrai dire j’avais pas vraiment le choix) mais alors je prie pour que cette peine que je ressens ne soit que passagère.



mercredi 4 novembre 2009

Aujourd’hui, J’ai Failli me Faire Kidnapper...


Aujourd’hui, j’ai failli me faire kidnapper. Non, vous ne rêvez pas ! C’est absolument la vérité ! Et ça s’est passé en plein centre ville ! En plein Mohamed V. Si quelqu’un m’avait raconté ça, j’aurais pensé qu’il exagérait, mais là, c’est arrivé à moi. Tout est encore flou dans ma tête. J’en tremble encore. Je n’ai jamais pleuré comme ce soir. Des larmes chaudes de colère et de mépris.

Comment je pourrais vous raconter ça ? Par quoi je devrais commencer ? Je sais seulement que j’avais un rendez-vous professionnel dans un des salons de thé huppés de la banlieue. La réunion était fixée à 19h, donc le trajet en taxi me prendrait à peine 5mn. N’empêche qu’un quart d’heure avant, je commençais ma quête de ce fameux taxi. Un taxi qui tardait à venir. A une heure pareille de la journée, tous les taxis étaient soit pris, soit rentraient chez eux. Et bien sur, une course qui déviait de leur chemin n’était pas la bienvenue. Même si ça voulait dire prendre une jeune fille en détresse et en panique totale.

Jusqu’à ce moment précis, je ne pensais qu’au retard que j’allais faire à la réunion. Je suis une fille très professionnelle, et ce genre de dépassement je ne l’acceptais pas. Mais on dirait que ce n’était pas ma journée, j’ai du faire du chemin à pied, avant d’atterrir dans ce fameux boulevard. La circulation était fluide. Tous les taxis bien sur occupés, et les rues quasi désertes. Je ne portais pas de tenue tape-à-l’œil, plutôt un pantalon noir et une chemise pareille. Tout ce qu’il y a de plus discret. Tout au long de mon « périple », on n’a pas arrêté de me siffler, de me lancer des trucs vulgaires et autres flatteurs, des voitures qui s’arrêtaient, des conducteurs qui m’appelaient. Quand soudain, il s’approcha de moi. Il me colla. Il n’arrêtait pas de me parler en français, basique certes, mais du français quand même. Il croyait sûrement que j’étais étrangère (il n’est pas le premier d’ailleurs).

Je pressais le pas. Je m’attendais à trouver un policier, ou n’importe quel autre passant vers qui me réfugier. Pendant tout ce temps, une voiture me suivait lentement, et chaque dix mètres faisait une halte. Mais dès que j’ai traversé le carrefour, le conducteur poussa la porte passager si fortement qu’elle me cogna le poigné. Je ne sais pas si c’était un reflexe ou plutôt le hasard, j’ai su très bien esquiver la porte, et me mis à courir. J’étais affolée, que je n’ai pas eu la peine de regarder le numéro de la voiture ou les visages de mes harceleurs. Tout ce que je peux dire à leur sujet, c’est qu’ils sont d’une banalité. Des têtes qu’on pourrait voir tous les jours dans sa cité, à la fac, sur son lieu de travail, bref partout.

Mon premier reflexe après cette mésaventure fut d’appeler pour m’excuser pour la réunion qui a démarré depuis une demi-heure déjà. Dès que j’ai raccroché, j’ai allumé une cigarette et je me suis assise sur le trottoir. J’étais dans un état lamentable. Et je le suis encore. Depuis des heures, je n’arrête pas de pleurer et trembler. Je ne me suis jamais sentie aussi fragile et aussi en danger. On est tout de même pas en Colombie. Au début, j’étais en colère contre moi, parce que j’ai raté la réunion, après, c’est vers mes harceleurs que je me suis tournée. Comment osaient-ils ? Qu’est ce qui aurait pu se passer si je n’ai pas eu la chance de m’en sortir ?

En rentrant chez moi, je me suis retenue devant mes parents. Comment aborder le sujet ? Comment leur dire que leur fille chérie a failli se faire kidnapper ? Et c’est en me retrouvant dans ma chambre que commença mon calvaire. J’ai toujours été une fille forte, mais je n’ai jamais imaginé qu’un truc pareil pouvait m’arriver. Ils auraient pu me kidnapper, m’emmener dans un local désaffecté et se relayer pour me violer et après sûrement me tuer pour ne laisser aucune trace. Combien d’autres filles ont eu droit à ça ? C’est ça être une femme en Tunisie ? Se faire harceler et puis se faire traiter de pute ? Dans un pays qui clame avoir donné assez de pouvoir aux femmes, où pour chaque personne y’a deux policiers, où sont ils passés aujourd’hui quand on en avait le plus besoin, quand j’en avais le plus besoin ? Où devrais-je d’abord me faire violer, pour qu’on pense à moi ?

Ce soir, j’ai détesté tous les hommes, je me suis détestée, j’ai détesté ma vie, et surtout j’ai détesté mon pays, un pays où règne la perversité et la frustration. Laissez leur l’accès aux bordels, si c’est ainsi que je pourrais me promener tranquille au centre ville ! Autorisez leur la polygamie s’ils sont si à point sur tout ce qui est religieux ! Pourvu qu’ils nous fichent la paix et qu’ils soient de vrais hommes enfin…