lundi 28 décembre 2009

La Belle et La Bête

Elle alluma sa cigarette puis s’assit face à la grande baie vitrée. Elle regardait les rues de la ville, encore si animées, si bruyantes. La lumière traversait la grande vitre et illuminait la chambre. Cela risquait de le réveiller à n’importe quel moment, et elle voudrait que rien ne vienne lui gâcher ces quelques instants de répit. Elle tira un peu les rideaux, en laissant une petite ouverture sur le coté. N’empêche, il va falloir qu’il se réveille d’ici peu de temps.

Elle se tourna vers lui et le regarda respirer. Il dormait profondément après la nuit mouvementée à laquelle ils ont eu droit. Ce fut à chaque fois pareil. Rendez-vous au même restaurant huppé de la banlieue, toujours la même table du fond, loin des regards indiscrets. Pour des amoureux, un début de soirée comme ça, c’est l’idéal. Elle était toute ouïe, les yeux brillants devant toute parole qu’il lui murmurait. Les mots doux susurrés au creux de son oreille, les caresses discrètes, les petits jeux de jambes sous la table, le décolleté coquin, les sourires du coin de la bouche. Le dîner se prolongeait à chaque fois à une heure tardive, mais le temps passait si vite. Après le dîner, destination son appart à elle. Lui, il est sensé être en déplacement pour son boulot. Enfin, c’est ce qu’il dit autour de lui ; mais en réalité, il est là pour elle. Et ça, c’est ce qu’elle, elle pense.

Elle prit une serviette, puis alla remplir le bain, avec de la mousse, comme elle aimait tant. Elle alluma les bougies parfumées au miel tout autour. En s’asseyant sur le bord, elle se rappela de leur première étreinte. Elle sentit des frissons lui traverser le corps. Elle était en retard. Elle avait raté la navette sensée la ramener chez elle après le boulot. Mais, lui, il était là. Il l’avait attendu en bas de l’immeuble. Au moment de s’installer dans le siège passager, sa main vint se poser contre son genou « accidentellement ». Elle parcourut le long de sa cuisse « accidentellement » aussi. Elle remonta vers sa nuque, encore « accidentellement ». Leurs lèvres se rencontrèrent, mais pas « accidentellement » cette fois-ci. Elle avait tellement attendu ce moment, qu’au bout de ses quelques secondes d’étreinte passionnée, elle repensa aux dizaines de scénarii qu’elle s’était imaginés, mais aucun n’était aussi fort et intense que ce qui se passait en ce moment-là.

Elle glissa dans le bain, le regard encore plongé dans ses souvenirs. Ils devaient se cacher pour vivre leur amour. Personne ne comprendrait autour d’eux. Elle se fera traiter par tous les noms. Lui, dans tous les cas, il s’en sortirait indemne, comme tout homme dans n’importe quelle société patriarcale. Elle se rappelait de leurs rendez-vous furtifs dans l’ascenseur, dans son bureau, dans la cage d’escalier, la peur d’être pris en flagrant délit, l’indifférence qu’ils se montraient l’un à l’égard de l’autre après, les regards complices et enflammés quand elle se faisait complimenter par un de ses collègues, et les pseudo-scènes de jalousie qu’il lui faisait pendant qu’elle, elle gloussait de plaisir.

Elle entendit du bruit dans la chambre à côté, et sut que c’était le moment. Elle se releva, toute couverte de mousse. Elle lança un « putain ! » en trébuchant sur le tapis de la salle de bain. Elle était en colère, exacerbée, enragée. Elle n’a pas encore pu profiter de sa présence. Elle aurait tellement aimé venir se blottir dans ses bras, qu’il lui caresse les cheveux, qu’il passe ses doigts sur sa nuque, qu’il lui dise qu’il l’aime, qu’il n’imaginait pas comment serait sa vie sans elle, et là il l’enlacerait encore plus fort, et ils batifoleraient jusqu’au bout de la nuit. Ils regarderaient enfin le lever du jour, en buvant à la santé de la vie.

- « J’y vais. Je veux être là quand les enfants se réveilleront le matin.

- Oui, t’as raison. Mais tu ne peux pas rester encore un tout petit peu ?

- On en a déjà parlé maintes fois. Faut que j’y aille. »

Il l’embrassa sur son front, puis partit hâtivement. Elle resta debout encore quelques secondes à contenir ses larmes. Ses yeux commencèrent à bruler, tellement elle faisait des efforts pour être forte. Elle retourna dans le lit, encore chaud, pressa l’oreiller sur lequel il avait dormit contre son cœur, et renifla l’odeur qu’il avait laissé. Son odeur. Des torrents de larmes coulèrent enfin. Le khôl avec. Elle se sentit seule. Elle pensa appeler sa meilleure amie venir la joindre, mais ça ne servirait pas à grand-chose. Cela ne l’empêchera pas de penser à lui.

Son regard se posa sur la commode à côté du lit. Il avait oublié son portefeuille. Elle paniqua à l’idée qu’il puisse rentrer sans ses papiers. Elle voulut l’appeler, mais elle hésitait. Elle prit le portefeuille. Sa curiosité l’emporta. Elle l’ouvrit et fut étonnée de voir qu’il gardait sur lui la photo de sa famille. Il donnait l’image d’un père responsable et un mari fidèle. Une image tout à fait fausse, une image trop déformée de la réalité. Elle grinça des dents en le voyant rire aux éclats sur la photo. Il tenait sa femme par les épaules, comme il aimait la tenir elle, à la sortie du restaurant. Sa femme n’était pas mal. Blonde aux yeux bleus, élancée, plutôt rangée et assez timide.

Elle prit le téléphone et composa son numéro. Ça sonnait, mais il ne décrocha pas. Elle se disait qu’elle avait peut-être tapoté un faux numéro. Elle réessaya. Elle entendit longtemps la sonnerie avant qu’il ne daigne décrocher.

- « C. tu as oublié ton p…. »

Elle fut interloquée quand elle entendit une voix féminine lui répondre. Elle se disait qu’elle va le mettre dans le pétrin si sa femme découvrit leur histoire.

- « Qui est à l’appareil ?

- Excusez-moi madame, mais monsieur avait oublié son portable dans le restaurant, donc je voulais l’en informer.

- C’est qui, B. ? demanda une voix rauque au loin.

- C’est le restaurant où tu as dîné ce soir. Tu as oublié ton portefeuille….

B. ? Mais sa femme s’appelle L. !!!! Elle fit tomber le combiné du téléphone par terre. La seule B. qu’elle connaissait travaillait justement à l’étage du dessous de son immeuble. Tout s’écroula autour d’elle. B. était plutôt jolie femme, très soignée, tout à fait ce que C. aimait. Ses yeux recommencèrent à la piquer. Donc, tout ce qu’elle avait construit, imaginé, n’était que mensonge et illusion. Toutes ces promesses, toutes ces confessions, tous ces « tu m’as manqué » ne lui étaient pas destinés. Elle n’était pas si spéciale que ça. Elle était une fille parmi tant d’autres.

Elle se leva brusquement de son lit et ouvrit la baie vitrée. Elle sentit le vent sur ses longs cheveux. Elle respira un bon coup, puis sortit tous les papiers du portefeuille : carte identité, photos, permis de conduire, quelques reçus, et même un chèque à blanc. Elle prit un ciseau, puis découpa tous ces papiers en petits morceaux. A chaque passage de ciseau, elle se sentit revigorée. Elle éparpilla les bouts sur la ville presque endormie, et les regarda suivre leur envol du 10e étage. Elle ferma les yeux, respira encore un bon coup, puis monta sur le rebord de la fenêtre et sauta.



dimanche 27 décembre 2009

Le Réveillon Seule, Et Alors ?

J’étais en plein boulot quand je reçus un coup de fil d’un « ami ». Après l’échange de mondanités, il me demanda ma confirmation pour la soirée du Réveillon. Bien sûr que j’étais partante. Il fallait que je change un peu d’air, que je vois de nouvelles têtes, que je m’extraie de mon cercle d’amis habituel.

- Tu viendras accompagnée ?

- Euuuuuh, non.

- Ah donc tu seras toute seule ?

- Euuuuuuuuh [(bis) dans ma tête] oui. (Si je ne viens pas accompagnée, c’est que je serais toute seule, patate)

- Alors, je vais te trouver quelqu’un de seul aussi ; me lança-t-il avec fierté.

Vous ne pouvez pas imaginer que fut ma réaction en entendant ce commentaire. J’étais blême. Suis-je aussi désespérée que ça pour qu’on essaye de m’arranger un rencard ? Ais-je demandé quoi que ce soit ou insinué que je vivais mal mon célibat ?Apparemment pour sortir le soir, ou plus exactement pour fêter le Réveillon faut être à deux, pas avec une copine, mais en COUPLE. Et si moi, j’avais choisi de ne pas l’être, je devrais me cloitrer chez moi ?

Je vais faire la fête, je vais m’amuser, je vais draguer et me faire draguer, je vais encore faire ma mademoiselle-je-sais-tout devant les QI d’huitre, je vais me faire complimenter sur mes yeux de biche et mon look dandy, je vais rire aux éclats devant les blagues les plus nulles (rien que pour faire plaisir à mon interlocuteur), je vais me faire harceler pour avoir mon numéro, et moi je fuirais (comme Cendrillon, mais en gardant ma chaussure quand même).

Je rentrerais seule chez moi, embrasserais mes parents qui seront là à attendre mon retour, je leur souhaiterais bonne année, j’appellerais mon frère pour voir il en est où dans sa révision (je sais aussi qu’il fera la fête de son côté), et puis je me mettrais dans mon lit. Je repenserais à la fête que je compte m’offrir pour mon anniversaire, avant de m’endormir enfin la tête pleine d’images déjà floues de la soirée.



vendredi 25 décembre 2009

mardi 22 décembre 2009

2009 : L’Année des Déboires et de l’Espoir

Comme chacun de nous, à la fin de l’année vient le moment des règlements de compte avec soi-même (et avec les autres aussi), le moment des bilans, le moment de vérité. Moi, mon bilan a été fait depuis Janvier. Je savais déjà de quoi allait avoir l’air mon année. Une année de déceptions et surtout d’incertitudes. Je ne saurais par quoi commencer : par mon projet de départ à l’étranger qui tombe à l’eau, ou par l’année sabbatique que je me suis offerte, alors que j’étais sensée préparer mon agrégation ? Ou encore aux histoires de cœur tumultueuses auxquelles j’ai eu droit ?

Les déceptions, j’en ai eu ma dose cette année, au point qu’à certains moments, j’ai commencé à douter de moi, de ce que je pouvais faire. J’ai passé des semaines à broyer du noir, tout en jouant à la fille forte devant tout le monde, pour ne pas me trahir, et surtout trahir ma fragilité. J’étais en conflit permanent avec mes parents. Tout ce qu’ils me demandaient ou me disaient, je le contredisais. Je ne pensais qu’à partir d’ici, quitter le pays, commencer une nouvelle vie outre mer. J’étais mal dans ma peau, mal dans ma tête. Je voyais tout mon entourage planifier leur futur, penser aux études qu’ils voulaient (et vont) faire, parler de plans à deux, et moi, je souriais, tout en fuyant le regard des autres, pour ne pas avoir à y répondre.

Je détestais le métier que j’étais sensée faire. Je détestais qu’on prenne la décision à ma place. Je détestais qu’on parle de moi comme si je n’étais pas là. Je détestais qu’on fasse des projets pour moi « tu vas travailler, au bout d’un an, tu t’achèteras une bagnole, après tu reviendras t’installer à Tunis et tu te marieras, ensuite, t’auras les gosses et tu remercieras le ciel pour le métier que tu fais », et moi dans ma tête, je leur répondrais : « et mon mari, il me trompe avec sa secrétaire, après je divorce, je me fais traiter par tous les noms, les gosses seront déchirés entre nous, je fais une dépression à cause du boulot, mes enfants deviennent des délinquants, et moi, une dépressive chronique et une éternelle insatisfaite ».

Ceci-dit, le destin voulait vraisemblablement me récompenser pour ces longs mois d’attente stérile, quand je partis à X avec ma meilleure amie, ma confidente, ma partenaire pour le meilleur et le pire (je ne sais pas s’il y a un terme plus fort que ça pour décrire à quel point on est amies). Une coïncidence pareille n’arrive qu’une fois tous les 2000 ans, pour ne pas dire jamais (je touche du bois). Mon métier, en fin de compte, je l’adore. J’adore ces enfants, qui voient en moi la « Miss » starlette qui vient leur faire aimer la langue de Shakespeare, leur ouvrir une brèche sur le monde extérieur, sur la civilisation. Mes élèves ont réveillé en moi la fibre maternelle que je croyais inexistante. Ils me couvrent d’amour et d’affection. Les cadeaux j’en reçois quotidiennement : des bonbons par-ci, des bisous par-là (et même des demandes en mariage), des petits mots sincères, des déclarations d’amour sur le tableau. Des anges qui se transforment en vrais petits diables. Mais je dois dire que je les aime, que j’ai peur pour eux, peur de ce que leur réserve l’avenir.

Faut pas oublier que les belles rencontres, j’y ai eu droit aussi. Des amitiés pour toujours, des coups de cœurs d’un soir. On s’enivre de ces passions passagères, en pensant qu’un jour on tombera sur la bonne. Les bonnes décisions, j’en ai prise aussi ; et ce blog en fait partie. D’ailleurs, en y pensant aujourd’hui, je crois que c’est l’écriture qui m’a sauvé. C’était les seuls moments où je pouvais être moi-même, quitter mon corps et me laisser guider par mon âme, mes désirs secrets, mes rêves. Etre moi-même, mais aussi quelqu’un d’autre. Me glisser dans la peau de chaque personnage. Penser à l’amour, la réussite, être cruel, ou encore pleurer des personnes disparus à jamais.

Sur cette touche de mélancolie, je dresse la liste de mes résolutions pour 2010 :

Je promets de ne plus me faire marcher sur les pieds, de quitter la peau de la femme-enfant et de reprendre les rênes de ma vie, ainsi en exclure tous les parasites qui en font un vrai cauchemar.

Je promets de ne plus tomber sur des âmes torturées ; et dans le cas contraire, je les laisserais se débrouiller tous seuls, et je me défends de leur proposer mon aide.

Je promets de travailler à réaliser mes rêves que j’ai délaissé ces derniers temps, afin de réaliser ceux des autres.

Je promets de me montrer plus affectueuse, plus expressive avec les personnes qui comptent le plus dans ma vie, d’être là quand ils ont besoin de moi.

Et le mot de la fin est BONNE ANNEE 2010 à tous les bloggeurs et bloggeuses !



lundi 21 décembre 2009

Tout simplement un Grand Merci…



A tous ceux à qui Roxie a manqué ces derniers temps. Merci pour vos messages, vos mails et même vos petites pensées à Roxie. Tous ces mots sincères que vous m’avez laissés m’ont beaucoup émue. Rien ne pourrait expliquer ma disparition à part l’absence de connexion internet et mes diablotins d’élèves.

Je ne saurais vous remercier assez pour cette affection que vous me montrez, mais je vous promets plein de textes, rien que pour vous récompenser de cette longue attente.

@Illusions : C’est les vacances tout à fait, mais pas pour moi. Faut que je « roxifie » © mon monde :P