Elles étaient trois filles. Chacune son style. Chacune son caractère. B. était la plus âgée de quelques mois, plutôt mince et métisse, des cheveux longs bouclés, avec un corps de sportive, une droguée du sport même. Rien que de penser à rater un de ses cours de boxe, elle en était malade. Assez difficile de caractère quand même. S. était la plus jeune des trois. Elle était très fleur bleue, qui se cachait derrière une carapace, et suffisait de lui montrer un minimum d’affection pour la gagner de son côté, une dépendante affective. Elle donnait plus qu’elle en recevait en fait. Elle était brune, avec un regard assez vif et brillant à en faire pâlir plus d’un. Et enfin, I., la maman-poule, qui se la jouait la sage des trois. Elle n’arrêtait pas de les taquiner sur ses origines espagnoles. Elle avait un teint clair, qui lui valut le surnom de « blonde » (qui la mettait souvent en rogne). Pas très expressive comme fille.
Elles avaient le même âge, le même parcours universitaire. D’ailleurs, elles se sont rencontrées à la fac, et comme bon nombre d’amitiés, au départ, ce ne fut pas le coup de foudre. Pour deux d’entre elles, B. et S., leur amitié commença en 2e année de prépa de lettres, et plus exactement dans les toilettes de cette dernière. Un rendez-vous quotidien pour pleurer sur leur sort et se plaindre. C’était un simple hasard qu’elles se retrouvaient le matin pour se refaire une beauté avant d’attaquer la journée, ou à la fin des cours, pour avoir bonne mine dans le train ou métro, au cas où on tomberait sur un beau gosse. Et puis, elles se présentèrent leur cercle d’amis respectifs, et puis les cercles éclatèrent (comme la plupart des amitiés empoisonnées entre filles), et elles se retrouvèrent à se partager leurs soucis du quotidien, à avoir des discussions dignes d’intérêt, de parler de la vie, des hommes, à essuyer les déboires au quotidien.
I. ne vint qu’un an après, n’empêche qu’elle adressait à peine la parole aux filles. Elle était leur camarade de classe point barre. Même les « bonjour » se faisaient rares. Elle a préféré s’effacer. Et c’était légitime. Elle venait d’une autre fac, et cette école d’élite ne lui plaisait guère. Ses parents l’avaient forcé à passer le concours d’entrée à cette école (que je ne nommerais pas, pour ne pas faire de pub). Elle croyait l’avoir raté, mais finalement elle a arraché sa place. Elle était habituée à traîner avec les garçons, mais elle se retrouva avec une classe de vingt six filles et seulement deux mecs, et pas n’importe quels mecs s’il vous plaît, mais le genre qui refusent de saluer une fille, et qui pensent que la meilleure place de la femme est la cuisine. (On va sauter le passage où ses résultats scolaires s’en font ressentir et elle fait sa première dépression, et espérons la dernière).
A la fin de cette année, elles partirent en stage de deux semaines dans une ville côtière, et comme le destin voulait les réunir à tout prix, il a fait en sorte de mettre toutes les conditions de leurs côtés. En y pensant sérieusement, si on avait changé un seul détail, rien qu’un seul, elles n’en seraient pas là. Ces deux semaines furent une révélation, leur destin commun fut scellé à jamais. Plus jamais aucune autre amitié ne sera aussi forte, aussi soudée, aussi passionnée. Malgré leurs différences tellement flagrantes, elles s’entendirent à merveille. Elles avaient la même vision de la vie, la même vision de l’amitié, la même vision du monde, etc. et c’est ce qui importait. Depuis ce jour-là, chaque 1er Août avait une signification particulière pour elles. Le début de leur règne.
Vous allez me dire que cette amitié ne tiendra pas avec le temps ? Bah détrompez-vous ! On avait essayé maintes fois de les détruire, de détruire leur espoir, leurs ambitions, mais ça n’aboutissait pas. Des jaloux, y’en avait sûrement. Des pseudo-sages croyaient bon de les séparer car elles exerçaient soi-disant mauvaise influence l’une sur l’autre. Leur environnement était certes d’élite, mais les mentalités de certains dataient encore de la Préhistoire. Des rumeurs commençaient à s’entendre à chaque fois qu’elles passaient. Tout simplement, parce qu’elles étaient en paix avec elles-mêmes. Elles ne faisaient pas semblant. Elles étaient pleines de vie, et ne cachaient pas leurs joies, ni leurs peines. Elles s’épaulaient dans les moments difficiles (et combien elles en vécurent, apparemment c’est l’âge pour ça), et elles savaient exactement de quoi avait besoin l’une ou l’autre pour la soulager.
Je n'ai pas encore tout dit à leur sujet, mais aujourd’hui, je ne vais pas parler de leurs aventures ni de leurs vies respectives, tout simplement car elles ont encore beaucoup à apprendre de la vie, donc peut être qu’on y reviendra d’ici quelques années pour en reparler comme des souvenirs, bons ou mauvais, mais ils resteront des souvenirs chers à leurs cœurs, leurs cœurs de femmes-filles.
PS:
Je voulais vous dire un petit merci pour tout ce que vous avez fait pour moi. Vous comptez énormément à mes yeux, et je croise les doigts pour que ça dure, mes admiratrices secrètes.